• Mulholland Drive de David Lynch (mardi 20 novembre 2018, 20h30)

    Comme d’habitude, l’entrée coûte 4 euros, 3 pour les membres du COF et vous avez la possibilité d’acheter des cartes de 10 places pour respectivement 30 et 20 euros. L’entrée est gratuite pour les étudiant.e.s invité.e.s.

    Et pour résumer :

    Rendez-vous le mardi 20 novembre 2018, 20h30
    en salle Dussane, au 45 rue d’Ulm
    pour voir et revoir
    Mulholland Drive
    de David Lynch

    Proposition d’analyse

    Mulholland Drive (2001) clôt une période où David Lynch se détourne des grandes productions hollywoodiennes suite au tournage compliqué et à la réception polémique de Dune (1984). Il se consacre entre autres à la série Twin Peaks (1990) avec le scénariste Mark Frost dans laquelle il renoue avec son sens aigu du mystère — la suite de la série sortira 18 ans plus tard, en 2017 —, l’esthétique expérimentale de ses premiers films et la position centrale du cinéma en tant que personnage.

    David Lynch explore davantage le mystère dans Mulholland Drive, incarné par ce personnage amnésique, nommée Rita en hommage au film Gilda (1946), et vient l’entremêler avec le monde de Hollywood. Au travers de ses personnages, il déconstruit le mythe du cinéma américain et fait dissoner le rêve hollywoodien de Betty avec l’angoisse permanente de Rita. La ville de Los Angeles qui sert de toile de fond, est présentée comme tout aussi factice que le sont les décors de la Paramount et symbolise géographiquement le cinéma américain. En fait, ce n’est pas tant l’identité de Rita que nous ne parvenons pas à saisir, sinon celle de cette ville-studio, qui nous perd constamment dans les méandres de ses rues ; un mythe urbain qui se dérobe sous les pas des personnages.

    David Lynch a recours aux archétypes du cinéma américain qu’il déconstruit avec tout autant de précaution. Rita, par exemple, représentation stylisée de la femme fatale du film noir — en témoigne l’hommage à l’actrice éponyme Rita Hayworth, protagoniste du film noir Gilda (1946) — est ébranlée et rongée par l’angoisse d’être ainsi destituée par le scénario de sa mémoire et de sa propre identité au point d’en devenir le stéréotype opposé de la demoiselle en détresse, lui aussi cher au cinéma des années 40. Les références à Sunset Boulevard (1950), figure emblématique du film noir qui se passe également à Los Angeles et qui adopte un point de vue très cynique sur les productions hollywoodiennes, semblent d’ailleurs indiquer la réflexion sur le cinéma que le réalisateur insuffle à son film.

    Attention cette partie peut divulguer des éléments clés du scénario (spoilers).
    Au centre de cette représentation à la fois fantasmée et en demi-teinte du cinéma, la thématique de l’onirisme et de l’érotisme est essentielle. Le mystère de Mulholland Drive dépasse le simple cadre de l’amnésie de Rita lorsque toute la première partie du film s’avère être un rêve : le film semble monté dans le désordre — un archétype récurent du cinéma de Lynch qu’il avait déjà fortement expérimenté auparavant dans Lost Highway (1997) où les identités des personnages sont elles aussi très troublées. Dès lors, ce n’est plus l’identité de Rita–Camilla qui est au cœur de l’intrigue mais bien celle de Betty–Diane. Les interprétations de la trame scénaristique sont légion, mais on peut se contenter de remarquer que la trame semble se répéter comme une variation d’elle-même, telle un ouroboros, à ceci près que les rôles des protagonistes se voient permutés tout comme le spectateur subit à son tour, par son incompréhension, la position du personnage qui erre dans les sinuosités du film.

    L’histoire d’amour entre Rita et Betty ajoute à cette confusion une dimension toute particulière où les corps et l’identité même des personnages s’enchevêtrent dans la confusion onirique de leurs souvenirs lacunaires. Dans un film où la ville est un décor creux et angoissant, les dialogues vides et désincarnés, le scénario désarçonnant, le réalisateur nous offre un moment d’authenticité. C’est cet équilibre subtile entre amalgame et fragmentation des personnalités des protagonistes que David Lynch nous offre au sommet de son art sa version du mythe de Hollywood.

    Guillaume