• Le Roi et l’oiseau – 14 décembre à 1h

    Comme d’habitude, l’entrée coûte 4 euros, 3 pour les membres du COF et vous avez la possibilité d’acheter des cartes de 10 places pour respectivement 30 et 20 euros. L’entrée est gratuite pour les étudiant.e.s invité.e.s.

    Et pour résumer :

    Rendez-vous le samedi 14 décembre 2019, 20h30
    en salle Dussane, au 45 rue d’Ulm
    pour voir et revoir
    Le Roi et l’oiseau
    de Paul Grimault et Jacques Prévert

    Proposition d’analyse

    Le roi Charles Cinq-et-Trois-font-Huit-et-Huit-font-Seize siège en tyran sur le royaume de Takicardie. Alors que tout le royaume est rempli de statues à son effigie, dans sa chambre, la nuit les tableaux s’animent. Une Bergère et un Ramoneur s’aiment ainsi en secret. Le portrait du Roi s’en agace ; il aime la Bergère et veut l’épouser. Les amoureux s’enfuient alors, à la découverte du monde. Le dictateur les poursuit, sans imaginer que l’Oiseau niché en haut de son château prendra le jeune couple sous son aile…

    J’ai mis mon képi dans la cage
    et je suis sorti avec l’oiseau sur la tête
    Alors
    on ne salue plus
    a demandé le commandant
    Non
    on ne salue plus
    a répondu l’oiseau
    Ah bon
    excusez moi je croyais qu’on saluait
    a dit le commandant
    Vous êtes tout excusé tout le monde peut se tromper
    a dit l’oiseau.

     Jacques Prévert, « Quartier libre », dans Paroles, 1946

    Ce poème de 1946 a été écrit à l’époque où Jacques Prévert et Paul Grimault ont débuté la préparation de La Bergère et le Ramoneur (1953), d’après le conte du même nom de Hans Christian Andersen (1845). Cette première version est jugée très négativement par le réalisateur et le poète eux-mêmes, mais reçoit un accueil chaleureux du public et de la presse. On retire les droits à Grimault à cause de son « perfectionnisme excessif ». Il ne les récupérera qu’en 1977. Malgré une équipe différente, et la mort de Jacques Prévert la même année, le film Le Roi et l’Oiseau (1980) que l’on connaît actuellement sort enfin en salles tel qu’il a été imaginé.
    Il s’agit là d’un film qui n’aurait pu être autre chose qu’un dessin animé. L’image, partout, a son importance. Elle est celle, omniprésente, de ce Roi qui refuse d’être montré tel qu’il est ̶ avec son strabisme ̶ , mais qui instaure un culte de la personnalité autour de lui, où des machines immenses construisent des statues à son effigie. L’image, c’est également celle du Ramoneur, qui ne peut aimer la Bergère car il est couvert de suie, et qu’ils « ne sont pas de la même couleur ». Et c’est de l’image de la Bergère qui prend vie la nuit dont le Roi est amoureux ; c’est d’ailleurs le portrait du Roi qui la courtise en premier. Le vrai Roi finit par être victime de son double pictural, Oscar Wilde et son Portrait de Dorian Gray (1890) sont sûrement passés par là. Les statues de porcelaine du conte d’Andersen sont devenues des peintures. Un autre poème de Paroles de Prévert s’intitule d’ailleurs Pour faire le portrait d’un oiseau (aussi dans Paroles) ; l’oiseau doit être peint libre, sans cage, dont il faut effacer les barreaux « en ayant soin de ne toucher aucune des plumes de l’oiseau ».
    L’Oiseau du film est celui du recueil sont les mêmes. Ils incarnent le refus de l’autorité, la liberté insolente, et le détournement de la violence. Le monde qui effraie la Bergère par son étendue dans le conte d’Andersen ̶ « C’est trop, dit-elle ; c’est plus que je n’en puis supporter. Le monde est trop immense. » ̶ devient totalitaire et agressif dans le film de Grimault. C’est l’Oiseau qui en adoucit le tumulte par ses mots et sa jovialité. L’animation perfectionnée par Grimault, est surréaliste, les plans vertigineux ne sont pas sans rappeler le Metropolis (1927) de Fritz Lang. Le Roi et l’Oiseau se place donc à la fois dans la continuité d’une tradition, et dans le début d’une nouvelle, comme celle des films des Studio Ghibili s’en sont largement inspiré : impossible de ne pas voir le colosse du Roi et l’Oiseau celui du Château dans le ciel (1986). Un chef-d’œuvre intemporel donc, qui marque le début du long-métrage d’animation à la française.