Couleur
Pays : Etats-Unis
35mm. VOSTFR
Année : 1987
Avec : Cary Elwes, Robin Wright, Mandy Patinkin
Comme d’habitude, l’entrée coûte 4 euros, 3 pour les membres du COF et vous avez la possibilité d’acheter des cartes de 10 places pour respectivement 30 et 20 euros. L’entrée est gratuite pour les étudiant.e.s invité.e.s.
en salle Dussane, au 45 rue d’Ulm
pour voir et revoir
Princess Bride
de Rob Reiner
Proposition d’analyse
Suite à la mort de son bien-aimé, tué en mer par le terrible pirate Roberts, la jeune Bouton d’Or (Robin Wright) est inconsolable. Des années plus tard, alors qu’elle doit prochainement épouser le peu sympathique prince Humperdinck (Chris Sarandon), elle se fait kidnapper par trois brigands — un géant (André Roussimoff), un sicilien sournois (Wallace Shawn) et un épéiste espagnol (Mandy Patinkin) en quête de vengeance — qui l’emmènent en bateau vers le royaume ennemi de Guilder.
Nous sommes dans les années 80, période remarquablement féconde pour le cinéma de fantasy médiévale. Au milieu des excellents Ladyhawke (1985) et Dark Crystal (1982), des intrigants Legend (1985) et Labyrinth (1986),
et de l’improbable Dragon du lac de feu (1981), un film se démarque : c’est Princess Bride, adaptation par William Goldman de son propre roman. Le film se veut un hommage décalé aux genres de l’aventure classique, des récits de cape et d’épée, ou encore du conte de fées. Sa force principale, et certainement la raison pour laquelle il a acquis un statut de film culte depuis sa sortie, vient du fait qu’il garde toujours une vision très claire de ce qu’il cherche à être : un pastiche efficace, oscillant avec adresse entre la parodie, la citation et la réappropriation de ces genres, sans jamais perdre sa capacité à interloquer.
Car tout film de genre qu’il est, Princess Bride interloque. Si le titre n’est pas strictement mensonger, il ne laisse toutefois pas imaginer la variété des personnages et péripéties qui vont vite assaillir le spectateur — et entre l’histoire d’amour brutalement coupée court qui démarre le film, les pirates, les brigands aux motivations incertaines et les intrigues politiques, on ne sait rapidement plus quel est le fil conducteur de l’intrigue. Dans Princess Bride, le féérique traditionnel est sans cesse déséquilibré par l’incongru. On peut ainsi croiser un pirate sanguinaire qui sème la terreur, mais qui s’appelle Roberts ; un colosse à la force surhumaine, et au fort accent français ; ou encore des créatures monstrueuses habitant un marais, qui ne sont appelées que par leurs initiales. L’écriture est toujours en mouvement, ponctuée de répliques cinglantes, anachroniques, mais non moins dignes du plus classique ‘swashbuckler movie’ (1) : les dialogues donnent l’impression d’une maîtrise ciselée des idées qu’ils expriment et d’un refus de la facilité ou du cliché, servis par un sens aiguisé du timing comique.
Princess Bride garde obstinément ses distances avec le conte de fées. Là où le roman prétendait être une édition abrégée d’un texte plus ancien (dont les ‘‘passages ennuyeux’’ avaient été retirés pour ne pas incommoder le lecteur), le film ne laisse jamais oublier qu’il s’agit seulement d’un conte lu à un garçon par son grand-père, et profite de ce degré supplémentaire pour prendre des libertés dans sa narration. Ainsi, des passages sont sautés, répétés, et la fin est même partiellement dévoilée lors de ces scènes. Grâce à cette prise de distance constante, le film se rend plus convaincant puisqu’il suggère une sorte de complicité avec le spectateur : oui, ce n’est qu’un conte de fées, nous sommes d’accord. Ainsi, on se laisse plus volontiers attirer par cette histoire initialement très simple, et on est alors dans de bonnes dispositions lorsque le film demande à être pris au sérieux. Et au bout du compte, le spectateur s’aperçoit qu’il a suivi le même cheminement que le personnage du petit-fils, d’abord dubitatif puis de plus en plus impliqué.
En effet, il ne faut pas oublier que ce film sait se prendre au sérieux. Derrière l’humour, la distance et le second degré qu’il cultive, il demeure un récit de fantasy étonnamment classique, où le véritable amour triomphe de la mort, où l’honneur vaut plus que la vie et où les nobles causes réussissent en dépit de l’adversité (miracles aidant). De même, les personnages se révèlent d’une profondeur surprenante, devenant vite reconnaissables et attachants par cette mixture de classique et d’incongru évoquée précédemment — l’hybris burlesque d’un Vizzini, la rancœur lunatique d’un Miracle Max ou le machiavélisme un peu ahuri d’un Humperdinck pour n’en citer que quelques-uns. Le fond tout à fait sincère fournit un socle solide à la parodie et à l’inattendu, tandis que l’humour permet de décrire avec élégance ce fond très simple.
Rob Reiner est un habitué de la comédie : s’étant attaqué avec succès au faux documentaire avec Spinal Tap (1984) et, quelques années plus tard, à la comédie romantique avec Quand Harry rencontre Sally (1989), il signe ici un pastiche accompli — un mélange impeccable de moquerie frontale et d’hommage sincère au film d’aventure classique, tout en restant un représentant solide de ce même genre. Par la réciprocité entre ces approches, le film se forge des éléments mémorables qui lui sont propres, expliquant pourquoi aujourd’hui encore, l’acteur Wallace Shawn se fait interpeller par des inconnus lui demandant de s’exclamer « Inconceivable ! ».
Eloi
(1) Genre cinématographique assimilable au film de cape et d’épée (issu du genre littéraire du même nom) contenant généralement des combats à l’épée, des héros idéalistes et romantiques, et une moralité sans ambiguïté.
Genre très prolifique du cinéma d’exploitation, il est axé sur un héros dont on dérive de nombreux films, souvent sans liens les uns avec les autres. On peut citer parmi les personnages les plus anciens et emblématiques
Robin des Bois, l’indomptable Zorro, le capitaine Blood ou encore le redoutable Maciste.