Projection en collaboration avec l’association Massorah.
Couleur
Pays : France
35mm. VF
Année : 1985
Avec : Jan Karski, Raul Hilberg, Abraham Bomba, Simon Srebnik
Comme d’habitude, l’entrée coûte 4 euros, 3 pour les membres du COF et vous avez la possibilité d’acheter des cartes de 10 places pour respectivement 30 et 20 euros. L’entrée est gratuite pour les étudiant.e.s invité.e.s.
L’association Massorah et le Ciné-club de l’ENS, avec le soutien de la Fondation du Judaïsme Français et du Mémorial de la Shoah, vous présentent le film Shoah, de Claude Lanzmann. Les deux séances (15 et 17 janvier) précèdent une journée d’étude « Shoah, après Lanzmann » (23 janvier).
L’association Massorah a été créée en 2019 par des élèves de l’ENS pour transmettre et renouveler les études juives. Elle organise le séminaire Actualité et Renouveau des Études Juives, des projections, des lectures et des journées d’étude.
en salle Dussane, au 45 rue d’Ulm
pour voir et revoir
Shoah
de Claude Lanzmann
Proposition d’analyse
Né d’une collecte minutieuse de centaines d’heures d’entretiens menés par Claude Lanzmann entre 1976 et 1981, ce film-fleuve fait le choix d’interroger, trente ans après la fin de la guerre, les témoins et les lieux marqués par l’extermination des Juifs d’Europe. Le film appréhende l’ampleur de la Shoah à travers de nombreux pays et envisage avec détails et précisions l’organisation spatiale concrète du génocide. Les camps d’exterminations (Auschwitz–Birkenau,
Belzec, Chelmno, Sobibor et Treblinka), les forêts et villages alentours, les gares, les routes, les voies de chemins de fer, et les villes où désormais habitent les rares survivants, accueillent les voix et les souvenirs.
A sa sortie, il y a trente-cinq ans, Shoah se distingue radicalement des œuvres cinémato- graphiques qui façonnent alors la mémoire collective de l’extermination des Juifs d’Europe. Contrairement à Nuit et brouillard (1955) d’Alain Resnais, film de référence en France sur la question, Claude Lanzmann choisit de ne reprendre aucune image d’archives. Il ne fait pas non plus le choix de la fiction comme la mini-série hollywoodienne Holocauste (1978). Au contraire, en optant pour un monumental montage de témoignages, Claude Lanzmann s’inscrit en partie dans la lignée de la démarche que Marcel Ophüls a initiée avec Le Chagrin et la pitié (1971). Mais, cette fois-ci, le documentaire porte expressément sur la « Shoah ».
C’est d’ailleurs le film de Lanzmann qui participe à rendre populaire ce terme qui, jusqu’alors, n’était utilisé que par une poignée d’intellectuels. Après avoir été jeune résistant, effectué une formation de philosophie puis être devenu journaliste et membre du comité de rédaction des Temps modernes de Sartre et Beauvoir, il réalise un premier documentaire Pourquoi Israël ? (1973). On y trouve déjà le dispositif d’entretiens, et surtout la présence incarnée du réalisateur. Dès la fin du film, sur commande du gouvernement israélien, Lanzmann débute une vaste enquête cinématographique qui l’amène à s’investir durant plus de dix ans pour ce qui deviendra son œuvre majeure : Shoah.
Dans ce film-fleuve de près de dix heures organisé en deux parties, il fait le choix d’interroger, trente ans après la fin de la guerre, les témoins et les lieux marqués par l’extermination des Juifs d’Europe. En collectant minutieusement plus de 350 heures d’entretiens dans quatorze pays (principalement en Europe, mais aussi en Israël et aux États-Unis), il refait vivre la mémoire des victimes, mais aussi celle des spectateurs, les habitants des villes à la lisière des camps, et celle des bourreaux, allant jusqu’à filmer à leur insu des responsables nazis.
Outre les interventions de l’historien Raul Hilberg et du résistant polonais Jan Karski, ce sont surtout les récits des survivants, comme Simon Srebnik, Abraham Bomba ou Filip Müller, qui occupent l’écran. Présent à l’image ou dans le champ sonore, le cinéaste soutient leurs témoignages et accorde une attention aiguë à la façon dont la « parole vive » émane de leurs silences, de leurs corps, de leurs gestes, de leurs visages, de leurs voix et de leurs soubresauts. Le montage et les mouvements de caméra prolongent cette parole vive en différents lieux qui, de façon monumentale ou invisible, gardent la trace du passé.
Ces centaines d’heures d’entretiens tournées pour Shoah ont par la suite donné lieu à plusieurs autres films de Lanzmann : Un vivant qui passe (1997), Le Rapport Karski (2010), Sobibór, 14 octobre 1943, 16 heures (2001), Le Dernier des injustes (2013) et, peu avant sa mort en juillet 2018, Les Quatre sœurs (2018).
Lucile et Emmanuel