• Old Joy de Kelly Reichardt (mardi 12 décembre 2017, 20h30)

    Comme d’habitude, l’entrée coûte 4 euros, 3 pour les membres du COF et vous avez la possibilité d’acheter des cartes de 10 places pour respectivement 30 et 20 euros. L’entrée est gratuite pour les étudiant.e.s invité.e.s.

    Et pour résumer :

    Rendez-vous le mardi 12 décembre 2017, 20h30
    en salle Dussane, au 45 rue d’Ulm
    pour voir et revoir
    Old Joy
    de Kelly Reichardt

    Proposition d’analyse

    Lors d’un cours de cinéma donné au forum des images en mars 2012, Hervé Aubron se servait du film Old Joy comme point de départ d’une réflexion sur la question : « Est-il encore des forêts vierges ? ». Le film se base en effet sur une idée qui semble assez classique : deux citadins se rendent dans la nature afin de se ressourcer et quitter l’agitation de la ville symbolisée par le discours incessant de la radio. On pense par exemple à Gerry de Gus van Sant, mais il s’agit d’un thème récurrent dans le film d’horreur et le road movie. Si Old Joy s’inscrit bien dans une tradition du cinéma américain qui vient du Nouvel Hollywood des années 70, on y note une nostalgie, présente déjà dans le titre, liée en partie à la disparition, ou plutôt à l’assimilation par la consommation, des idéaux des années 70. Comme le souligne le personnage de Kurt, la forêt et la ville tendent à se ressembler, et on finira éventuellement par constater que c’est dans la ville que le personnage de Kurt se perd. Dès le début du film apparaît l’idée d’une nature reproduite ou artificialisée (le jardin de Mark). Il semble alors impossible de trouver des lieux qui soient vraiment hors du monde : lorsque Kurt décrit une source chaude dans laquelle toute parole est interdite, Mark lui répond qu’il en a entendu parler dans un magazine. Le film pose ainsi la question de la possibilité de nos jours d’une culture alternative, de manière assez pessimiste. Il est intéressant de noter que les personnages semblent avoir conscience de l’artificialité de leur démarche et du fait que les idéaux sur lesquels ils ont plus ou moins de mal à faire une croix appartiennent désormais au passé, qu’ils sont en quête de quelque chose d’imaginaire (comme le souligne la scène du pistolet à air comprimé). Cependant, ils décident malgré tout de rejoindre leur fantasme d’un lieu loin du reste du monde, propice à la méditation (une grande réussite du film est d’ailleurs de nous faire croire un instant à la possibilité d’un tel lieu). Si la comparaison au film Délivrance de John Boorman semble naturel, la rencontre avec la nature est présentée ici sur un mode très différent, peut-être légèrement déceptif mais jamais violent : si le film de Boorman présente des citadins devenus inadaptés à la nature sauvage, Kelly Reichardt préfère dépeindre une nature qui perd son caractère sauvage (la sonnerie du téléphone de Mark nous rappelle que les personnages ne sont jamais vraiment isolés).

    Mais Old Joy est aussi un film sur l’amitié, ou plutôt sur la façon dont deux amis se rendent compte qu’ils sont devenus des personnes très différentes : Kurt est présenté comme un grand enfant (ne serait-ce que par son apparence physique) qui refuse de renoncer à ses idéaux et a du mal à vivre dans la société actuelle tandis que Kurt semble cadrer parfaitement avec l’image du bon citoyen parfaitement intégré dans la communauté (une femme, bientôt un enfant, un travail très prenant mais il trouve tout de même le temps de donner un peu de son temps pour une association, etc). Le film ne prendra pas parti, cette situation étant vécue par les personnages plus sur le mode du constat que de l’affrontement. On sent cependant parfois une gêne entre les deux amis lorsqu’ils se rendent compte qu’ils n’appartiennent plus au même monde. Le film ne propose pourtant pas de résolution, se contentant de décrire une situation à un instant donné, comme le décrit Kelly Reichardt dans une interview donné au Guardian : “Maybe I’m suspicious of absolutes. I mean, yes, there is something satisfying about watching an old film when the music rises up and the words come at you – The End. But it would seem absurd to do that at the end of one of my films. It would just make them feel lopsided, because they’re all so short, they cover so little time. We don’t know where these people were before. We spent a week with them and then on they went. My films are just glimpses of people passing through.”

    Quelques références intéressantes :

    – le cours de cinéma de Hervé Aubron au forum des images : http://www.forumdesimages.fr/les-programmes/toutes-les-rencontres/old-joy-de-kelly-reichardt ;

    – une courte interview de Kelly Reichardt : https://www.theguardian.com/film/2014/aug/21/-sp-kelly-reichardt-my-films-are-just-glimpses-of-people-passing-through